« Les glaciers sont les trésors des hautes montagnes. »
Jeffrey Fierens
Un glacier vous évoque une langue de glace d’un blanc immaculé qui descend silencieusement et en toute sérénité le long de la montagne ? Alors il est temps de changer un peu cette image. Si vous regardez attentivement les photos de Jeffrey, vous verrez un large spectre de couleurs.
« En Norvège, j’ai photographié un glacier qui arborait de belles nuances de bleu clair, alors que les glaciers des Alpes sont souvent plutôt gris. Et ces géants des glaces sont loin d’être silencieux. La masse de glace est constamment en mouvement : on les entend dès lors souvent craquer bruyamment. De nos jours, on y trouve même malheureusement des chutes d’eau ou des ruisseaux des eaux de fonte qui clapotent. »
Jeffrey a vu un glacier de près pour la première fois lors d’un voyage en Norvège, au cours de l’été 2021. « De loin, cela ressemblait simplement à une tache blanche sur le flanc de la montagne. Ce n’est que quand je me suis approché que j’ai remarqué à quel point c’était grand et imposant. C’était un véritable mur de glace de trois à quatre mètres de haut. Une expérience exceptionnelle ! »
Quelques mois plus tard, dans les Alpes cette fois, les glaciers lui ont de nouveau fait forte impression. Lors de ses randonnées, il a pu s’en approcher très près et constater les dégâts de ses propres yeux : « Vous voyez vraiment la glace fondre sous vos yeux. L’eau de fonte ne goutte pas, elle ruisselle, comme si quelqu’un avait ouvert le robinet quelque part à l’intérieur. Le glacier fond à une vitesse effrayante. Pour moi, le paradis est fait de glace… Il n’y a rien de plus beau que des glaciers. Ce sont les trésors des hautes montagnes. Ce serait affligeant qu’ils viennent réellement à disparaître. »
Jeffrey a donc décidé d’immortaliser leur évolution. Comme si les glaciers lançaient un appel à l’aide à notre société. « On n’aime que ce qu’on connaît : mes photos servent à montrer à quoi ressemblent les glaciers. Je tiens à capturer leur beauté et leur complexité, mais aussi à prouver qu’ils fondent à la vitesse de l’éclair en raison du changement climatique, afin de sensibiliser davantage le public à ce problème. On qualifie parfois aussi les glaciers de "glace éternelle", mais dans le contexte actuel, on pourrait craindre qu’il n’y ait une date d’expiration. »
« D’énormes blocs de glace se détachent de temps en temps. Quand ils se détachent et retombent, cela provoque d’énormes secousses. »
Jeffrey Fierens
« Les effets du réchauffement climatique se feront plus vite ressentir que nous le pensons. Les glaciers de l’Antarctique et du Groenland sont beaucoup plus grands. Ces géants commencent à se réveiller. Mais ceux des Alpes couvrent une plus petite surface et réagissent donc beaucoup plus rapidement aux changements de température. Sans le vouloir, ce sont les ambassadeurs du changement climatique. Ils ont l’air majestueux et incroyablement forts, mais ils sont aussi véritablement fragiles. »
Jeffrey l’a également remarqué lors de l’un de ses voyages. En septembre 2023, il campe sur le glacier d’Aletsch en Suisse. « J’avais emporté mon sac de couchage alpin, mais je n’en ai pas eu besoin, car il faisait pas moins de 12 °C la nuit. » Au même moment, un reportage est tourné un peu plus loin en Suisse sur deux glaciologues belges qui prennent des mesures sur le glacier du Rhône. « Ils ont constaté qu’il avait fondu de 70 centimètres en quinze jours. Et la situation était déjà catastrophique l’année précédente. En Suisse, 12 % du volume des glaciers ont donc fondu en à peine trois ans. » Cette année, il a pourtant beaucoup neigé en haute montagne : une belle couche de protection a dès lors recouvert les glaciers. « Mais pour changer la donne, il faudrait que cela se reproduise plusieurs années de suite, et ce, pour reconstituer la couche fondue. »
Ces derniers étés, Jeffrey a passé des mois à parcourir les Alpes pour immortaliser un maximum de glaciers. Il a voyagé d’une vallée à l’autre, en camping-car ou en transports en commun. Et quand il n’y avait plus de route, il enfilait ses chaussures de randonnée pour se rendre au sommet de la montagne. « Les glaciers se trouvent de plus en plus en altitude : mes randonnées affichent donc généralement un millier de mètres de dénivelé. »
Inutile de préciser qu’il faut être en bonne condition physique pour photographier des glaciers. « Le processus créatif commence seulement lorsque j’arrive près d’un glacier, après une randonnée de quatre ou cinq heures et un solide dénivelé. Après cet effort, je dois être encore assez frais pour réfléchir clairement et prendre de belles photos. Pendant l’année, je travaille donc sur ma condition physique pour éviter d’être à bout de souffle au sommet, même si cela m’arrive parfois. » (Il rit.)
Jeffrey commence directement à chercher les bons angles de vue et la meilleure lumière. Et après avoir passé plusieurs heures à prendre des photos, il préfère dormir en montagne. « Je passe régulièrement la nuit dans un refuge ou à camper à proximité du glacier. En effet, la lumière est la plus belle au lever et au coucher du soleil ! » Si aucun hébergement n’est prévu pour la nuit, il redescend dans la vallée à pied, dans le noir, et croise parfois des animaux en chemin. « Je vois parfois briller les yeux d’un bouquetin, d’une vache ou d’une marmotte dans l’obscurité, mais ils disparaissent généralement aussi vite qu’ils sont apparus. »
Jeffrey ne sait que trop bien que la haute montagne représente un défi. « J’essaie de minimiser les risques. Je ne plante par exemple jamais ma tente le long d’une paroi rocheuse pour éviter les chutes de pierres. De même, je ne passe jamais la nuit trop près des rives d’un lac glaciaire, car si un morceau de glace se détache, le niveau d’eau augmente et l’eau de fonte afflue. »
Rien ne garantit jamais une bonne nuit de sommeil. « L’été dernier, de fortes détonations ont retenti au milieu de la nuit : terrorisé, j’ai presque bondi de mon sac de couchage. De grands séracs – des blocs de glace, souvent gigantesques – se sont détachés et sont tombés des dizaines de mètres plus bas. Cela m’a instantanément réveillé ! » Jeffrey a déjà vu des morceaux de glacier se détacher et s’écraser même en pleine journée. « Ce bruit me donne systématiquement la chair de poule. La puissance de la nature est fascinante, mais c’est surtout très triste d’en être témoin. »
« Les glaciers sont constamment en mouvement : on les entend dès lors souvent craquer bruyamment. »
Jeffrey Fierens
Lorsqu’il dit aux populations locales qu’il photographie des glaciers, on lui répond généralement de faire vite. « Je me demande si les générations futures pourront encore profiter de cette beauté naturelle. D’une part, je montre la réalité d’aujourd’hui. D’autre part, je crée un héritage pour quand les glaciers auront disparu. Mon travail leur rend hommage – aujourd’hui, demain, et surtout : avant qu’il ne soit trop tard ! »
Les randonnées en montagne nécessitent des équipements compacts et légers. « Pour moi, le secret, c’est la légèreté. »
• Superposez plusieurs couches : « Les glaciers se situent en altitude, la température y est donc plus basse. De plus, ils créent leur propre microclimat plus froid. J’emporte toujours ma polaire, ma doudoune et ma veste imperméable pour me protéger du froid et des brises glaciales. Optez pour des vêtements légers, car vous devrez évidemment tout porter vous-même. »
• Des chaussures de randonnée à haute tige avec protection en caoutchouc sur la pointe : « Pour vous soutenir et vous protéger suffisamment lors de randonnées et d’escalades en terrain rocailleux. »
• De la nourriture et des collations : « Les randonnées donnent faim. Pendant les randonnées, je me nourris de barres énergétiques et de repas lyophilisés que je réchauffe sur mon Jetboil. »
• Une tente légère : « J’utilise la Hubba Nx, une tente autoportante qui permet aussi de camper sur un terrain rocailleux sans avoir besoin de piquets. »
• Une lampe frontale : « Pour redescendre après le coucher du soleil. »
• Un sac de couchage : « J’opte généralement pour un sac de couchage en duvet avec une température de confort autour de zéro. J’ai un sac de couchage alpin pour les nuits vraiment glaciales. J’utilise un thermoliner pour avoir plus chaud ou un drap de sac dans les refuges. »
• Un matelas de couchage : « Un modèle qui offre une bonne isolation, afin que le froid provenant du sol ne me refroidisse pas. »
• Des bâtons de randonnée : « Pour plus de maintien et de stabilité pendant la randonnée. »
• Des gourdes et un filtre à eau : « Pour faire l’appoint d’eau à la rivière. »